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Notre stratégie en Afghanistan doit être redéfinie
Notre stratégie en Afghanistan doit être redéfinie
28 août 2008
Entretien paru dans Le Parisien le 28 août 2008
Quelle est votre analyse du conflit en Géorgie ?
Le président géorgien Saakachvili a fait une lourde faute à laquelle les Russes ont réagi de manière délibérément disproportionnée. M. Sarkozy est intervenu rapidement pour un cessez le feu, cétait à la fois utile et normal, mais ont été commises plusieurs erreurs dont dont la plus grave est davoir proposé aux Russes un texte oubliant de rappeler lintégrité de la Géorgie. Cest la brèche dans laquelle se sont engouffrés les Russes, violant lintégrité géorgienne et le droit international. Et tout cela se passe à quelques centaines de kilomètres des frontières de lUnion européenne et à quelques kilomètres de Sotchi où doivent avoir lieu les Jeux olympiques dhiver en 2014 !
Ce conflit peut-il faire tâche dhuile ?
Tout va dépendre du sang froid des dirigeants et de notre capacité à réduire les tensions. En dehors des incidences directes sur lAbkhazie et lOssétie du Sud, on peut craindre une forme de propagation vers des pays comme lUkraine ou la Moldavie. Rétrospectivement, la reconnaissance de lindépendance du Kossovo na pas facilité la situation...
Que faut-il faire maintenant ?
Dabord, montrer une grande fermeté à légard de la Russie, en imaginant une graduation de mesures pouvant aller du réexamen des relations avec lOTAN à la remise en cause de ladhésion à lOMC ou à dautres dispositions. Mais il faut en même temps faire comprendre aux Russes que le camp occidental na nullement lintention de les "encercler" et que nos intérêts convergent notamment pour contrer le développement de lislamisme radical et assurer la stabilité de lEurasie.
Comment les Européens peuvent-ils, à plus long terme, éviter de se trouver impliqués dans de telles crises ?
En développant une vraie politique énergétique européenne qui réduise notre dépendance et en adoptant une politique européenne de défense qui ne soit pas systématiquement le calque des Etats-Unis. Jattends de la présidence française des avancées concrètes sur ces deux points, ainsi que sur une indispensable relance économique européenne.
Nicolas Sarkozy a assumé une nouvelle fois avec force son tropisme atlantiste...
Certains parlent même de bushisme... On pouvait déjà contester vivement les positions de George Bush alors quil était au fait de son pouvoir, mais maintenant quil est en train de le quitter, saligner sur elles devient absurde. La France na pas à reprendre des concepts dangereux comme la guerre des civilisations ou lOccident contre le reste du monde. Dans un monde compliqué, il faut éviter le faux confort des idées simplistes.
Que répondez-vous aux arguments de Nicolas Sarkozy en faveur de lengagement de la France, sous mandat de lONU, en Afghanistan ?
Je veux dabord saluer lextrême courage de nos soldats. Je rappelle aussi que lan dernier, le même M. Sarkozy demandait le retour de nos troupes dAfghanistan. Quand jentends aujourdhui le raisonnement selon lequel si on est - nous le sommes tous - contre le terrorisme on doit aveuglément approuver ce qui se passe là-bas, cela me choque. Le risque actuel en Afghanistan, cest de passer de lengagement à lenlisement. Bien sûr il nest pas question de se retirer du jour au lendemain, ce qui serait un formidable cadeau pour les terroristes du monde entier. Mais il est indispensable de revoir la stratégie développée dans cette région où nous nobtiendrons pas de totale victoire militaire et où on a glissé dune intervention des Nations-Unies en faveur dune afghanisation à des opérations de contre-guérilla sous le drapeau de lOTAN. Constatons les faits. La sécurisation de nos soldats doit être assurée, elle ne lest pas assez. Lafghanisation de larmée est trop lente, léconomie est dominée par la drogue, le dialogue politique pour chercher des solutions durables nexiste pas. Enfin, la question du Pakistan, véritable base arrière des Talibans, nest pas traitée. Tout cela implique une réévaluation de notre stratégie. M. Sarkozy a raté loccasion dy procéder avec nos alliés au moment où il a décidé denvoyer des troupes supplémentaires. Cest pourquoi notre stratégie doit être redéfinie.
Propos recueillis par Philippe MARTINAT
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