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« Immigration : une loi inutile et provocatrice »
« Immigration : une loi inutile et provocatrice »
Pour Michèle André, sénatrice du Puy-de- Dôme, en pointe sur le combat mené par le groupe socialiste au Sénat contre le projet de loi sur limmigration, ce texte, qui jette une nouvelle fois lopprobre sur une partie de la population, porte aussi atteinte à limage de la France à létranger, au risque daggraver sa perte dinfluence.
Quels sont les points qui vous paraissent les plus critiquables dans cette nouvelle loi sur limmigration ?
Il ny a rien de positif dans ces dispositions. Cest une loi inutile, un affichage provocateur, de la communication pure. Il sagit de la troisième loi sur ce thème en quatreans,alors que les effets de la précédente, adoptée en juin 2006, nont même pas été évalués, et quun certain nombre de ces dispositions nont pas encore fait lobjet de décrets dapplication. Tous ces textes tendent à rendre impossibles limmigration légale et le regroupement familial. Le gouvernement donne des signes de bonne conduite à la fraction la plus à droite de la population, tout en voulant faire croire aux Français que les problèmes économiques et sociaux que nous connaissons seraient dus aux immigrés, et non pas à la politique quil conduit. Pour ces raisons, le groupe socialiste du Sénat soppose résolument à ce texte.
Une des dispositions les plus controversées, le recours aux tests ADN pour prouver une filiation dans le cadre du regroupement familial, a été rejetée par les sénateurs en commission des Lois. Cette mesure est décriée, même au-delà des rangs de lopposition
Cette disposition a été rejetée au terme dune discussion longue, difficile, fondée sur des arguments éthiques et moraux. On ne peut pas imposer un test ADN dans un contexte familial et lon sait bien que les étrangers concernés nauraient, dans les faits,pas dautre choix que de sy soumettre. Cest un combat qui touche à la constitution même de la famille, une question de valeurs. Que nous ayons été rejoints par des sénateurs dautres sensibilités montre que le bicamérisme a du sens et que la liberté de conscience des parlementaires permet de corriger des dispositions brutales et dangereuses. À lheure où je vous parle,il est trop tôt pour savoir si le scrutin public confirmera la position de la commission, ce que jespère Mais la publicité faite ainsi à M.Mariani et à son amendement ne doit pas faire oublier le durcissement général de la loi.Quel pourrait être limpact réel de cette loi si elle était adoptée en létat ?
En faisant en sorte que les conditions requises pour le regroupement familial deviennent impossibles à remplir, la loi ne peut que favoriser plus encore limmigration clandestine. Ainsi, si lon estime quun Français peut vivre avec le smic,pourquoi exiger davantage dun chef de famille étranger? La question de la langue est aussi un prétexte : la langue sapprend vite quand on est immergé dans le pays daccueil et de plus, 70 % des candidats au regroupement familial parlent français. Cette loi est une remise en cause de la liberté de vivre en famille, de la liberté de mariage et porte atteinte aux droits de lhomme. De plus, le texte renforce encore la confusion entre immigration et asile et rend les possibilités de recours des demandeurs matériellement irréalisables.
Quelle approche devrait être privilégiée sur ces questions?
Tout dabord, il y a une réalité : nous avons besoin de limmigration, de la force de travail quelle représente.Mais lon ne peut pas se contenter de piller les élites des pays démigration. Il nous faut faire preuve dun humanisme profond. Nous avons des devoirs devant lHistoire quil nous faut assumer. Pendant les débats, jaimerais rappeler ces paroles de Michel Rocard quil faut entendre dans leur intégralité: «La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part.» Il ne sagit pas de faire de langélisme, mais la France ne pourra pas rester un grand pays si elle ferme ses portes. Quelle image donnons-nous à létranger, avec nos consulats débordés, protégés par des policiers? Les gens qui ont des liens privilégiés avec la France, qui vivent dans ses anciennes zones dinfluence, se sentent exclus, humiliés par ces lois successives sur limmigration. Leurs pays se distancient de nous, leurs étudiants obtiennent plus facilement des visas pour le Canada, lInde ou la Chine En tant que vice-présidente de la section française de lAssemblée parlementaire de la francophonie, je peux témoigner que limage de la France se détériore dramatiquement au sein de la Francophonie et que par cette politique, la France est en train de signer sa perte dinfluence dans le monde.Propos recueillis par Éric Lamien
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