• Le pire peut encore être évité

    Dimanche 20 Mai 2007

    "Le pire peut encore être évité"

    Propos recueillis par Pascale AMAUDRIC
    Le Journal du Dimanche
    >" src="http://www.lejdd.fr/includes/nav/images/puce-article.gif"> François Hollande, le chef des socialistes tente de mobiliser pour les législatives. Il juge la démarche "d'ouverture" du Président de la République artificieuse et affirme qu'elle n'est destinée qu'à obtenir une majorité aussi large que possible pour avoir ansuite les mains libres et mener une politique de rupture.

    Pourquoi être si sévère avec le gouvernement d'ouverture de Nicolas Sarkozy? Ne vous dites-vous pas in petto "salut l'artiste!" ?
    Non. Précisément parce que la composition d'un gouvernement ne relève pas d'un spectacle ou d'un numéro de prestidigitation. Comment appeler "ouverture" ce qui n'est que débauchage individuel? Il ne s'agit pas d'unir mais de diviser. Et ce, en donnant une image de la politique qui n'est pas la nôtre. Pour Nicolas Sarkozy, elle n'est que ruse, artifice et compromission quand, pour nous, elle est fondée sur la cohérence des choix et le respect des convictions.

    La gauche n'a pas critiqué ainsi l'"ouverture" de François Mitterrand en 1988 ?
    François Mitterrand avait alors mené campagne sur le thème de la France unie et avait même souhaité, une fois réélu, que son parti ne dispose pas d'une majorité à lui tout seul à l'Assemblée nationale. Là, rien de tout cela. C'est de la combinaison et de la communication à des fins purement électorales. Ainsi, François Fillon affirme-t-il que la "première priorité du gouvernement est de gagner les législatives" et que "chaque ministre devra mettre en oeuvre scrupuleusement le projet Sarkozy". Toute l'opération engagée par le nouveau président de la République doit être regardée à l'aune de ce seul objectif : obtenir une majorité aussi large que possible à sa seule dévotion et avoir les mains libres pour mener à sa guise sa politique de rupture. Bernard Kouchner, homme au parcours estimable, peut toujours croire qu'il est un homme libre et que la politique extérieure n'est ni de droite ni de gauche. Il est désormais lié à une équipe au sein de laquelle c'est le Ministère de l'Identité Nationale et de l'Immigration qui délivrera les visas et sera responsable de la politique de "codéveloppement". C'est le Chef de l'Etat qui définira seul la politique étrangère de la France. Ai-je besoin d'évoquer, comme récompense au transfuge, un "secrétariat d'Etat à rien du tout" ou la prime donnée à la captation d'amitié ou d'héritage ! Cette méthode n'honore pas son auteur.

    Ségolène aussi a tenté l'ouverture ?
    Non, entre les deux tours, elle a simplement questionné François Bayrou: Voulait-il rester dans son non-choix "ni gauche ni droite" ou venir vers le pacte présidentiel? La démarche s'est faite au grand jour, dans un dialogue républicain transparent et non pas dans une manoeuvre destinée à obtenir, coûte que coûte, un ralliement, quel qu'en soit le prix en termes de programme.

    "Tout reste ouvert!"

    Ce gouvernement ne souligne-t-il pas une faille de la campagne de Ségolène qui n'a pas su valoriser ou encourager les figures socialistes qui la soutenaient ? Elle n'a jamais appelé Kouchner par exemple ?
    Il serait bien fallacieux, pour justifier un changement de camp, d'invoquer le fait d'avoir été insuffisamment associé à un parti ou à une équipe. S'il fallait réunir tous ceux qui ont le sentiment de ne pas être pleinement utilisés dans une campagne, un gouvernement n'y suffirait pas.

    En quoi ce gouvernement vous met-il en difficulté pour la campagne législative?
    Ce sont les Français qui seront en difficulté si l'UMP dispose d'une majorité écrasante à l'Assemblée nationale. Pas seulement les socialistes. Car ce que prépare le gouvernement Fillon, c'est la décharge des heures supplémentaires, c'est-à-dire que ceux qui travailleront plus ne disposeront pas des droits sociaux correspondants pour la retraite ou le risque de chômage notamment. C'est la multiplication des franchises, c'est-à-dire que les familles devront assurer par elles-mêmes la couverture de leurs premiers soins. C'est le bouclier fiscal à 50 % et les avantages fiscaux aux plus favorisés qui seront compensés par un relèvement de la TVA pour tous. C'est la réduction des moyens accordés à l'école et aux services publics. Bref, le pire peut être encore évité si, à l'occasion des élections législatives, les Français permettent l'émergence d'une force de proposition et de vigilance. C'est le rôle du parti socialiste. Et c'est pourquoi Nicolas Sarkozy s'applique avec autant de malice et de brutalité à le réduire.

    Comment comprendre que vous proposiez 30 circonscriptions à des alliés, le PRG, quand son président Jean-Michel Baylet parle de recréer avec Jean-louis Borloo un parti radical allié à Sarkozy ?
    J'ai demandé à Jean-Michel Baylet une clarification. Il m'a assuré qu'il n'était en aucune façon désireux de changer de stratégie et d'alliance. Mais là encore, était-ce le rôle du nouveau Président de déstabiliser le PRG, partenaire du PS, toute affaire cessante, avec l'aide de Bernard Tapie et Jean-Louis Borloo? Et Nicolas Sarkozy nous parle, entre deux joggings, "d'exigence" de respect, "d'exigence" de transparence, "d'exigence" d'honnêteté, "d'exigence" morale !

    Revenons au PS qui essaie de repousser au lendemain des législatives le procès de la défaite, quand Ségolène Royal en profite pour tenter de s'imposer candidate en 2012? Qu'en pensez-vous ?
    La préoccupation immédiate de tous les socialistes aujourd'hui, c'est juin 2007. Le cycle électoral ouvert par la présidentielle n'est pas clos. Tout reste ouvert! Tout dépendra de la majorité parlementaire qui sortira des urnes en juin prochain. Nous avons le devoir de mobiliser les 17 millions d'électeurs qui ont porté leur suffrage sur Ségolène Royal et de convaincre les autres que nous avons entendu leur message. À nous de leur démontrer que la meilleure façon de promouvoir le travail, c'est de réduire le chômage, de mieux former les salariés, de partager plus justement l'effort, de lutter contre les délocalisations et de sécuriser les parcours professionnels. À nous de leur expliquer que la relance de la croissance passe davantage par la priorité donnée à la Recherche, le soutien à l'investissement des PME et la stimulation de la consommation, que par la précarisation des salariés et la baisse des impôts pour les plus gros patrimoines. À nous de leur faire apparaître que le danger le plus grand pour notre pays, c'est la concentration des pouvoirs (politique, économique, financier, médiatique) dans les mêmes mains. Et que l'équilibre des institutions, les contrepoids démocratiques, le pluralisme sont les conditions de la paix sociale et de la cohésion nationale. Nous avons trois semaines pour mettre au plus haut le socle de la gauche dont le PS est aujourd'hui la force principale, pour ne pas dire la seule.

    Quelle sera votre priorité de premier secrétaire au lendemain des élections ?
    Le PS ouvrira tous les débats, sur toutes les questions, celle de notre ligne politique, des formes de notre action, des structures permettant le rassemblement et bien sûr celle du leadership. Son calendrier sera maîtrisé, et décidé de façon collective. Rien ne sera occulté, rien ne sera différé! Je m'en porte aujourd'hui garant.

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